mercredi 28 janvier 2009

Sujet sensible

Ce feuilleton s'adresse à mes lecteurs Canadiens, s'ils existent (j'en ai aucune preuve, mais bon, je m'abreuve de cet éternel espoir que j'ai des amis. Des amis qui ne pensent pas à écrire des commentaires dérisoires à mon égard. Hm. Il me semble qu'ils ne se retiennent pas d'habitude. *soupir*).

J'ai reçu un courriel du nouveau beau-papa de mon frère (et la moitié masculine du couple le plus sexy dans la soixantaine que, je me doute, j'eusse croisé de ma courte existence, relativement parlant). En pièce jointe, il y avait un document Word expliquant la vision de l'Islam d'une dame nommée Wafa Sultan. Selon mes recherches, cette dame n'est ni théologue, ni sociologue, ni anthropologue. Elle est, toutefois, une quasi-vedette dans l'occident (et le moyen-orient, 'faut le dire, mais de tout autre ordre), parce qu'elle ose dire des choses plutôt extrêmes CONTRE l'Islam. Bien entendu, pour une personne habitant sur le continent américain, ses paroles viennent renforcer les stéréotypes déjà bien ancrés des Confortables - et le fait qu'elle soit Syrienne et qu'elle eut été victime de terrorisme lui donne une crédibilité au-delà du fait qu'elle dise ce qu'on veut entendre. Donc, voici ma réplique, d'un Canadien athé en Algérie pour qui les idées arrêtées ont des arômes tout à fait répugnants (je note également que les esprits empreints de «foi» me sont les plus arrêtés, alors il y a équilibre) :

Chers Québécois,

Le 13 septembre 2006, un homme, une progéniture d'immigrés indiens, un anglophone, est entré à la Place Alexis-Nihon et ensuite au Collège Dawson et a commencé à tirer. Il a tué une jeune femme, et a blessé plusieurs personnes.

Le lendemain, on a publié un éditorial dans le National Post (pour nos amis non-Canadiens, un quotidien de droite über-fédéraliste basé à Toronto qui n'a JAMAIS mentionné le Québec sans laisser sous-entendre que les Franco-Canadiens sont largement incapables de pensée libre, voire de penser, et que nous sommes des affreuses personnes qui veulent détruire son beau pays) exprimant l'évidence même : que l'aliénation de ce jeune homme a été produite par une société répressive qui impose sa langue et ses moeurs sur nos nouveaux arrivants (dont une multitude d'Algériens qui affrontent le froid de cet hiver en louant notre société vibrante et libre, selon les dires de leurs proches qui me côtoient).

Pensez-y. Le français en Amérique a engendré la mort d'une anglophone aux mains d'un anglophone dans mon ancien quartier anglophone où, bon, 'faut VRAIMENT pas parler français (je le faisais pareil, mais bon, je suis de nature assez irréductible).

Je trouve tout à fait délicieux donc cette ironie qu'on puisse, en tant que francophones vivant sur le continent américain et faisant face quotidiennement à des stéréotypes tout à fait ridicules, tomber dans le même piège qu'est tombé Mrs. John Smith de Medecine Hat en lisant le National Post le 14 septembre 2006, lorsqu'on reçoit quelque merde qui appuie nos idées arrêtées face aux musulmans et exprimer notre assentiment et, bien entendu, partager avec nos proches afin de faire rayonner des clichés arrêtés.

Je sais que j'ai été dressé de par ma vie professionnelle à rester cynique, voire à confronter intérieurement ce que je lis dans nos piètres médias afin de défendre l'inévitable existence de l'AUTRE CÔTÉ toujours ignoré (et que c'est CHIANT que j'aie toujours une opinion contradictoire en prenant une bière et en jasant de tout et de n'importe quoi). Il me faut toutefois riposter quelque peu à Madame Sultan et, surtout, à ceux qui lui ont, naïvement, accordé une quelconque crédibilité.

L'Islam n'est pas plus meurtrier qu'une autre religion. Le fait qu'on fait face à une menace «islamisée» sur le plan mondial ne tient qu'à des coïncidences géopolitiques, économiques et, surtout, raciales (cette dernière explique la source de nos insécurités, non pas que la race arabe ne soit fondamentalement différente. Je fréquente une arabe. Elle partage notre morphologie, nos insécurités et nos impulsions, je vous l'assure).

Au 12e siècle, l'empire musulman était LA puissance économique mondiale. L'échange se faisait de la Mècque à l'Andalousie sur une base ordonnée. On pouvait retirer d'une banque espagnole à partir d'une lettre d'une banque à Bagdad (les premiers «chèques»). Pendant que les suiveux de Jésus s'entretuaient pour affirmer l'évidente supériorité de LEUR façon de vénérer Dieu, la fraternité «arabe» a développé les bases de la mondialisation économique enrichissante (oui, enrichissante. Si vous voulez débattre, il me ferait plaisir de présenter les faits face à votre intuition) qui permet maintenant aux Algériens de se plaindre qu'il y a trop de voitures sur leurs routes (bien entendu, les choses étaient bien mieux lorsqu'aucun des citoyens «normaux» ne pouvait se payer un moyen de transport à soi. J'aime particulièrement quand les Algérois se plaignent - dans la même phrase - de la libéralisation des modalités de financement automobile il y a quatre ans sans construire l'infrastructure routier qui va avec, tout en grognant contre les déviations engendrées par la construction des nouvelles autoroutes).

Bref, chers compatriotes, la religion s'empare de l'impuissance et du désespoir et les corrompt. Toute religion, à un certain moment, s'est chargée de profiter des circonstances difficiles de pauvres humains et de créer un ennemi malveillant et menaçant qu'on doit tuer, car telle est la volonté de Dieu.

Hamas vient d'annoncer sa «victoire» sur les affreux Sionistes qui ont attaqué les roquettes situées dans des hôpitaux et des écoles, pendant que le Likud s'attend à profiter de la «mollesse» du parti au pouvoir aux élections israëliennes de février et que les citoyens de Gaza enterrent leurs centaines d'innocents. Cette dernière phrase, j'ose croire, démontre un équilibre éditorial qu'on ne lira jamais dans le National Post.

2 commentaires:

Sandrine a dit…

Malheureusement l'être humain aime l'amalgame ! De la même façon, tous les québécois ne se promènent pas en chemise carreautée avec des raquettes dans le dos et un casque de poils sur la tête...je peux en témoigner !! Et nous, français, sommes capables de sortir sans béret sur la tête et baguette sous le bras...nous pouvons même, dans certaines conditions très précises et difficiles à réunir, être agréables et humbles...si si !

Éric a dit…

Agréables? En effet, j'ai déjà eu l'énorme plaisir de côtoyer une française baillonnée. Son humilité lui a été imposé toutefois.

:P