mardi 16 décembre 2008

La belle Algérie

Avant de conter ce que j'ai vécu comme Choc Culturel ('z'allez voir) et après avoir blasté les hommes misogynes d'ici, il me faut dire quelque chose de bien sur mon pays adopté.

Depuis mon arrivée, pratiquement CHACUNE des personnes que j'ai croisées a été exceptionnellement accueillante. Il y a des parallèles étonnants entre l'Algérie et le Québec, et c'est fascinant de voir comment il est facile de s'immiscer dans une culture complètement différente.

L'Algérie s'est libérée du joug français en '62, l'année généralement reconnue comme le début de notre Révolution Tranquille. Bien entendu, la «libération» québécoise était plutôt l'éveil d'un peuple face à une répression largement sociale (bon, économique et religieuse) après deux siècles d'acquiescement soumis, mais relativement confortable quand même. La libération algérienne s'est faite au coût du sang de plus d'un million de martyrs, exécutés par un régime français raciste et sadique.

Les Algériens forment un peuple encore conquis, qui cherche toujours son âme. Homogène, il y a un manque frappant de méfiance face aux étrangers. Surtout les Canadiens, qui ont aidé à reconstruire le pays (SNC Lavalin a un édifice à l'intérieur du complexe de l'ambassade canadienne et a bâti les plus grandes oeuvres architecturales d'Alger, notamment le Monument des Martyrs, une énorme structure en béton à trois branches qui surplombe la ville - voir les photos de mon arrivée - et le Palais de la Culture, là où je bosse depuis sept semaines et un édifice tout à fait délicieux). Bref, partout où je vais, on me regarde mon pelage blond avec curiosité, mais rarement avec dédain.

...d'ailleurs, samedi soir je revenais de mon premier cours d'arabe dans mon taxi et, la fenêtre baissée, mon chauffeur m'apprenait à dire «nous mangeons du couscous». Lors d'un arrêt, à 20 h 00 du soir, un homme à l'apparence tout à fait délabrée m'a invité à monter chez lui manger du couscous. On croirait au premier abord qu'il voulait me dérober de mes bidoux de riche expatrié, mais il était tout à fait sincère.

Ce sentiment de communauté et d'hospitalité fait vibrer le pays. Tout le monde ici connaît bien le Québec par le biais des histoires de leurs proches qui ont fait la traversée, et on me dit souvent que je viens d'un pays magnifique, mais froid. Non pas du point de vue climatique (bon, on le sait bien), mais bien que les Québécois n'ont pas la fibre humaniste des Maghrébains (mais nous l'avons bien plus que nos compatriotes anglo-saxons. Les Algériens sont perspicaces quand même).

Dès mon arrivée dans mon quartier, on m'accueille avec des «salaam alikoum» dans la rue. Après deux ou trois jours, tous savaient qu'il y avait un Canadien qui habitait dans le grenier chez la fille aux belles fesses qui ne porte pas le voile et qui fume. Hier, dans la ruelle ARCHI serrée qui mène à mon chez moi (archi-serrée veut dire que deux Accent n'y passent pas sans rabattre leurs miroirs sur le côté. Ce n'est NULLEMENT une exagération), un petit fourgon croisait une mini-compacte et a à peine passé. Je suis resté en bas de la côte, anticipant que j'allais rester pogné. Bien évidemment, un jeune énervé dans sa Golf (la Rabbit de chez nous) me suivait et me klaxonnait, ne voyant pas pourquoi j'étais arrêté et ne me permettait pas de reculer pour cèder la place. J'étais donc coincé et j'ai tenté de passer la fourgon. J'ai été ENCORE PLUS coincé.

...bref, une dizaine de personnes ont tenté de diriger la situation et un mec édenté est venu me voir me disant que «tu ne sais vraiment pas conduire!». Je me sentais comme un des leurs :P

M'entéka.

Lorsqu'on se donne la poignée de mains (chose qu'on fait à TOUT LE MONDE) ici, on demande comment ça va. Non pas à la banale manière québécoise, mais bien sincèrement. On demande comment va ma famille et ma santé et on me regarde dans les yeux pour connaître la réponse. La sincérité ne peut pas être offerte superficiellement. Ceux qui connaissent ma misanthropie violente doivent être étonnés à penser que je m'intéresse à ces gens. Et il le faut, car le caca de taureau qu'on se pitche couramment à Montréal au cours de nos interactions sociales serait vite décelé ici. J'ai appris que je ne hais pas les humains, juste les gens qui se fichent de moi. C'est toute une révélation, croyez-moi.

...et je dis ça sachant que nous les Québécois sommes les plus intolérants de la superficialité et de la fendantude idiote sur notre continent. Il faut juste croire que nous ne sommes pas les plus toppes parmi les complexés en infériorité.

Oui il m'est difficile de concevoir que les algériennes doivent se soumettre à leurs hommes et réprimer leurs instincts, mais il y en a beaucoup qui réussissent dans leurs vies professionnelles, et elles sont largement respectées. C'EST une société matriarchale (le stéréotype des femmes fortes et des hommes fainéants est bien ancré), et les femmes frayent leurs chemins comme j'imagine elles le faisaient au Québec lorsque la génération de mes parents régnait.

Il y a beaucoup de choses admirables ici. Le pays est encore pubère, et il cherche toujours son identité, mais je suis heureux de pouvoir y vivre. On me considère déjà Algérois, et j'en suis fier.

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