mardi 25 novembre 2008

Une nouvelle carrière

En mai j'ai perdu mon emploi. Un emploi ma foi des plus mornes, moches et autrement faciles. J'étais consultant sans mandat. Je rentrais à 7 h 30 (après une séance d'entraînement qui me donnait des forces pour affronter la Tour Des Geeks), je zigonnais sur Internet et je buvais un litre d'eau à l'heure, ce qui m'obligeait à affronter fréquemment les informaticiens qui ne se lavent pas les mains après le pipi (voire, occasionnellement, le numéro 2. Mettons que si j'étais vous, et que j'ai un rendez-vous avec un directeur de CGI, je stériliserais ma main droite après la rencontre. Ce sont les vieux geeks devenus gestionnaires qui sont les pires). Mon salaire n'était nullement justifié, mais, bon, je vivais bien. Je savais toutefois que j'étais un BS glorifié qui se faisait payer son passeport vers des cieux professionnels meilleurs sous forme du glorieux MBA des HEC (pardon, DE HEC. Pas du tout fendant ça) enseigné par des profs tantôt brillants, tantôt analphabètes dans une salle de classe inévitablement garnie d'une fille ou deux assez fascinantes (OHHHHhhhhhhh que Renée a une bouche qui motive tout homme à vénérer les Dieux qui ont fait de lui un hétérosexuel) pour survivre aux trois heures de théorie qui me poussaient à dire des conneries afin de garder une activité élémentale au niveau de mes synapses.

...les amis du MBA s'en souviendront.

Je quittais le bureau à 15 h 30 pour éviter le traffic. Ces gentils morons qui ne comprennent pas qu'un virage à gauche sur de Maisonneuve à partir de UniversitY prend habituellement un clignotant ET une position dans, genre, la voie de gauche.

Je n'étais forcément pas rentable pour la boîte, mais on semblait s'entêter à me garder. Je ne couchais pourtant pas avec une SME d'influence, ni n'avais-je des documents compromettants d'un manque affreux de rigueur au niveau de la conformité Sarbanes-Oxley (*ahem*).

Mon patron a pris rendez-vous avec moi à 11 h 30 un mardi, fin mai. Ça faisait deux ans que je me doutais que j'avais la tête sur le billot (sans savoir quand le couperet allait tomber), mais j'ai tout de même eu la sagesse d'enregistrer mes fichiers personnels - et certains comprendront la nature «personnelle» de certains fichiers - sur une barrette avant la rencontre.

Il y avait une madame dans la salle. Je savais ce qui m'attendait.

J'ai reçu une enveloppe de départ raisonnable et j'ai remercié mon très gentil patron (sincèrement, il était bien plus mal à l'aise que moi, ce qui me faisait sentir mal. Étrange sensation cette empathie). L'été commençait. Le plan B (composé dans ma tête depuis belle lurette, mais le timing était bon) allait être enclenché.

J'ai quitté pour le chalet trois semaines plus tard, ayant trouvé un soqueux qui allait prendre mon joli appartement Platôtique.

J'ai passé l'été le plus froid et pluvieux de l'histoire moderne des Laurentides dans une cabane sans fenêtres (on a posé du scrinne sur tous les trous de la place. Bref, c'était une cabane à scrinne) le temps de démolir le chalet familial qui s'était écroulé sous le poids d'une neige record l'hiver précédant (beau climat, somme toute) avec mes deux frèrots qui habitaient le Nord. Je me lavais au huit jours (trop frette pour me lancer dans le Lac) et je portais la même paire de ronning sans chaussettes. Mettons que je sentais l'informaticien.

Vers la mi-août, à dix jours de mon retour en ville pour le début des cours dudit MBA, j'ai décidé qu'il serait temps que j'arrête de me pogner la roussette au miel aromatique et croûteuse et que je commence à me chercher un emploi.

Je suis tombé sur une annonce sur le site d'une agence de placement avec lequel j'ai eu des ennuis au début de ma carrière («tu veux être tradeux sur la parquet de la Bourse?? Mais non, tu peux faire trois fois le salaire en étant représentant de fonds mutuels, maudit imbécile»), mais qui m'a été recommandé par une vieille copine du bacc que j'ai revu par pur hasard dans un salon qui, disons, n'avait rien à voir avec la finance mais qui célébrait... les chevauchements de positions couvertes. Genre. J'y ai trouvé une annonce (parmi les demandes explicites d'un titre de comptable ou de CFA pour lesquels que je n'ai jamais eu la rigueur intellectuelle, l'intérêt, ni l'ambition pécuniaire requise pour me taper des études sur les états financiers qui m'ont toujours été d'une infâme platitude) pour un consultant en gestion ou en formation (tiens... j'ai été formateur et gentionnaire. Et consultant) qui serait envoyé au Maghreb.

Hm.

J'ai postulé. Je suis ensuite allé voir le site de la société. Elle promouvoit la saine gestion auprès de pays en développement. Je suis un geek d'économie mondiale, tout particulièrement des problèmes (et opportunités!) fondamentaux qui accablent les nations en rattrapement.

Hm.

J'ai renvoyé un deuxième courriel, plus emphatique et moins formel cette fois, expliquant que JE SUIS la personne qu'on recherche.

(Je note que j'avais dans ma poche la possibilité de retourner à la Caisse de dépôt comme consultant. Je ne voulais VRAIMENT pas revenir au bercail de la malévolence fendante et oisive de notre glorieuse et incestueuse industrie financière québécoise).

L'entrevue a eu lieu un vendredi matin. Le patron avait l'accent français. Ça y'est, j'ai la jobbe (il faut comprendre que le sport national français est l'éloquence. Si t'as le BONHEUR de tomber sur un patron potentiel français, t'as qu'à paraître vaguement intelligent - ils prisent ce regard omniscient que dédaignent les québécois mais que, pour le bien ou pour le mal, j'ai réussi à maîtriser sans trop d'efforts - et le laisser parler pendant les heures que ça prendra [oui, il faut poser certaines questions occasionnelles pour lui donner une nouvelle piste sur laquelle l'orienter, mais bon, c'est quand même l'entrevue de rêve]).

Je suis sorti de l'entrevue sachant que j'allais partir pour l'Algérie même si j'ai parlé 90 secondes en 90 minutes. Le pays le moins amusant du Maghreb (selon mes amis Marocains et Tunisens). Un an. Ayoye. Plus de 5 @ 7 dans la place de l'heure avec les fendants de l'Industrie. Plus de neige après l'équinoxe printanier. Plus de neige point. Plus de québécoises aux petites foufounes (ce mot est d'autant plus pertinent lorsqu'on apprend qu'au Maghreb, «foufoune» désigne l'entrejambe féminin. Mouaip).

...j'étais en extase.

1 commentaire:

Tora Tora Tora! a dit…

Why is this in French?
Mph, I'll have now to refresh my French, as if my poor neuron-deprived brain can manage that!